Un roman sportif maintenant complet de 42 pages en 18 chapitres, écrit en 3 parties, entre le 18/06 et le 01/11/1995.

mardi 15 juillet 2008

Chapitre 7: Série noire à Monaco

Tout le monde se retrouve pour la cinquième épreuve du Championnat du Monde de Formule 1 en Principauté de Monaco. Le Prince Albert est l'invité de marque du jeudi et de ses préqualifications. Seulement, une mauvaise nouvelle pour le sport a déjà fait couler beaucoup d'encre : Simtek et ses deux voitures quittent la compétition pour manque de fonds. C'est la raison officielle, mais on suppose évidemment que les résultats sportifs n'en sont pas étrangers. Nick Wirth ne voulait plus assumer la mécanique dépassée de ses voitures. L'arrivée à l'intersaison du groupe Lola avec un tout nouveau châssis n'avait procuré au team que de multiples ennuis. Verstappen et Alboretto sont donc libérés, tout du moins jusqu'à nouvel ordre, car des bruits disent qu'un retour, mais avec un nouveau moteur, avait été envisagé un instant par le manager général de l'écurie. Les organisateurs ont donc décidé qu'aucune équipe ne remplacerait Simtek lors des préqualifications. Seules March, Larrousse, Venturi, Minardi, Arrows et Forti pourront rouler en ce jeudi.

Au début de la séance, Gounon toujours en remplacement d'Inoue place la barre très haut. Le V8 Mazda et son bruit spécifique montrent toute son efficacité. De Cesaris, de retour, fait lui aussi preuve de grande classe. Morbidelli, également de retour, réalise quant à lui un mauvais 1'26"560 et obtient la première des 3 places non préqualificatives. Il est suivi de Martini (Minardi, 1'26"699) et Zanardi (Forti, 1'27"312). Les moteurs Peugeot se comportent bien, mais maintenant du côté de chez Alliot et les Venturi on cherche à gagner quelques points pour ne plus passer par l'ingrate mission. Il en est de même chez Larrousse, où Gérard Larrousse veut gagner des points et cela avant le Grand Prix de France. C'est finalement De Cesaris qui supplante Lagorce et Gounon.

Le public de fanatiques est toujours aussi nombreux pour la plus grande et la plus populaire des courses automobiles. Des Formule 3 et des voitures de Super-tourisme s'enchaînent pour la fête de l'automobile en Principauté. Tout est fin prêt pour un nouveau week-end de suspens, de talent et d'exploit, mais personne ne sait combien en sera la déception. Non que les pilotes ne font pas de leur mieux, mais leur environnement intervient régulièrement et amplement dans l'ambiance des circuits. C'est donc le tout qui contribue à une réussite sportive comme extra sportive. Le temps était gris et pâle, mais le vendredi matin, il tourne carrément au très sombre. C'est donc précisément lors de l'échauffement non officiel de 9h, qu'on apprend la très triste nouvelle du décès de J.M. Fangio, le plus fantastique des pilotes de Formule 1 dans toute l'histoire de la course automobile. Qui n'a pas entendu de "Tu te prends pour Fangio ?" ? Le vétéran recordman des victoires de Championnat du Monde était très souffrant depuis qu'il avait appris les événements tragiques qui avaient coûté la vie à Ayrton Senna. Il laisse derrière lui une légende que le temps aura du mal à effacer.

C'est ainsi après une minute de silence sur le circuit de Monte Carlo que les moteurs ont été allumés pour la dernière séance de préqualification. En fait, les positions n'évoluent pas au cours des soixante minutes, puisque le noir ciel du Sud de la France se déchargera de la pluie comme d'un chagrin. A l'issue de l'épreuve, les 3 "i" sont dehors, à savoir Morbidelli, Martini et Zanardi. Mauvaise journée pour les I-taliens ! C.Berro, directeur sportif de Ferrari, fait marquer les initiales du regretté champion argentin sur les voitures de Berger et d'Alesi. La pluie inonde toujours le circuit. Il est treize heure. Schumacher s'élance avec un brassart noir, tous les pilotes ont un signe quelconque de deuil, peut-on rendre un plus bel hommage au père de tous ces pilotes ? C'est l'allemand marqué du numéro 1 qui se place en tête de la première séance de qualification officielle, devant Nakajima, Hill et Berger. Une morne ambiance couvre toujours le Grand Prix. Certaines épreuves sont annulées, on se demande même si ce n'est pas le départ de l'idole de tous qui provoque ces non-lieux.
Vers 18h, on envisage de réduire au minimum les compétitions due la fin de semaine, mais on se reprend et l'hommage le meilleur est évidemment d'offrir un superbe spectacle en montrant que l'enthousiasme que J.M. Fangio a su donner à tous a toujours de l'effet. Et samedi matin, le soleil reigne de nouveau sur la Principauté. Les éssais libres voient Hill devancer Alesi, Irvine et Hakkinen. L' après-midi, le ciel se voile doucement, mais les qualifications se déroulent sur une piste sèche. De nouveau, le pilote n°1 de la Benetton devance Hill en 1'19"002. Puis suivent Nakajima, Brundle, Hakkinen, Alesi, Berger, Herbert, Frentzen, Coulthard et seulement Noda. Chez Toyota, une nervosité perceptible trouble le personnel. Derrière, Warwick (Pacific), Hélary (Larrousse) et Katayama (Tyrrell) ne peuvent se qualifier. Le soir, une discorde entre Wendlinger et Sauber conduit à la rupture de contrat entre le pilote et le Manager. C'est véritablement une drôle d'atmosphère qui enveloppe le paddock. Il faut attendre des jours meilleurs.

Dimanche matin, pendant l'échauffement J.J. Lehto se blesse dans une impressionnante sortie de route. Il ne peut participer à la course. Ce n'est que 25 voitures qui se lancent vers une victoire très convoitée. Il est d'ores et déjà 14h. Les bolides sont placés sur la grille. Le public est là en masse, malgré l'opacité du ciel. Le meilleur départ est pris par Schumacher, il est suivi de Hill, Brundle, Nakajima (une fois n'est pas coutume avec un mauvais départ), Berger, Herbert et Noda, auteur d'un départ fulgurant. Ce dernier écope d'ailleurs d'une pénalité pour départ volé. Mais où se situe Jean Alesi ? Dès le premier tour, il a heurté Blundell, qui a déjà abandonné, et à rejoint son stand. Et, comme en Espagne, la pluie réveille tout le monde. Frentzen et Panis en sont pour leurs frais. Salo, Brundle et Brabham ne font même pas dix tours. Noda, en perte de vitesse, navigue à la 11e place. Devant, Schumacher semble avoir course gagnée dès le 15e tour. Les changements de pneumatiques incessants en début de course donnent à ce Grand Prix une physionomie si confuse, que les spectateurs ont presque du mal à y prendre plaisir. Schumacher, dans sa domination, fait un minimum de spectacle tout de même. Mais la Série Noire de Monaco n'est pas finie !

Irvine et Barrichello s'accrochent dans leur lutte pour la cinquième place. Leurs bolides s'immobilisent sur la piste. Les commissaires les plus forts du circuit international agitent leurs drapeaux pour prévenir les concurrents. Dans ce 19e tour dramatique, alors que Hill et Nakajima se battent pour la troisième place, Noda, pilote de la Toyota n°36, perd non seulement un tour sur les deux autres, mais bien plus encore. La pluie, la dispersion des voitures, leur ralentissement, tout contribue à ce drame. Les commissaires essaient bien de dégager les deux Jordan, mais en vain, il faut attendre une accalmie. Les hauts responsables décident d'interrompre la course. Mais trop tard, Nakajima voulant passer son coéquipier, se rabat un poil trop tôt, déstabilisant la Toyota de Noda qui en perd le contrôle de son véhicule. Il part en tête-à-queue accéléré dans le dernier virage avant le tunnel, c'est malheureusement au même endroit que se sont accroché les Jordan. Noda percute de plein fouet la n°15, et son bolide s'écrase de tout son poids dans le rail de sécurité. Le pilote de l'épave est propulsé hors de l'habitacle droit dans la mer. Il coule à pic. La course est arrêtée. Nakajima a stoppé sa Toyota dans la chicane après le tunnel, il court vers les restes de la voiture de son compatriote.

Ayant ôté son casque, son armure qui le rend impalpable comme les grands héros, Satoru devient un homme comme les autres. Il regarde en bas du rail, la mer et les bateaux de la gendarmerie et des surveillances maritimes. Mais bien vite, on lui ordonne de se retirer de la piste, il abandonne bien sûr. La disparition de son ami, le choque à juste titre, c'est lui qui effectué l'erreur. C'est difficile de trahir son propre camp sans le vouloir. La course reprend, mais dans le box Toyota, on pleure. Le jeune Noda, très prometteur, quitte la Formule 1, dans le chaud de l'action et le froid des fonds marins. Cette confrontation de masse est l'objet de l'effet produit sur chacun de nous. Pour la petite histoire, Gachot (Pacific), Dalmas (Venturi) et Gounon (March) ne repartent pas non plus. Par la suite, Berger et Moreno lâchent aussi le morceau. Nakajima reste devant le corps repêché, mais sans vie, de Hideki Noda, le jeune samouraï. Après 20 tours de plus, la course est définitivement arrêtée et malgré les derniers abandons de Coulthard et Badoer, 8 voitures rejoignent l'arrivée.

1. M.Schumacher All Benetton Renault 10 pts
2. D.Hill Gbr Williams Renault à 17" 6 pts
3. E.Comas Fra Larrousse Peugeot à 1'13" 4 pts
4. J.Alesi Fra Ferrari à 1 tour 3 pts
5. A. De Cesaris Ita March Mazda à 1 tour 2 pts
6. J.Herbert Gbr Benetton Renault à 1 tour 1 pt

Bien sûr, aucun podium ne se tint. Tout se termina calmement et surtout tristement, les Toyota avaient été arrêtées, mais par elles-mêmes ! Que peut-il y avoir de plus triste en compétition que sortir de cette manière et ne pas pouvoir défendre ses chances ? Combien de temps leur faudra-t-il pour revenir après un tel choc ? Et le pauvre Nakajima, si froid avant, si triste maintenant, il pleure encore et encore... Un tel drame à Monaco, avait-on déjà vu pire ? Peut-être lors de la disparition de Senna et Ratzenberger à Imola, c'est sans doute le pire prix de la F1 ! On avait dit plus jamais ça, et maintenant on assiste à un tel drame. Max Mosley démissionnera à la suite de ce drame et laissera sa place à une vieille connaissance de retour au devant de la scène, Jean-Marie Ballestre, le français. C'est sous la pluie que prend fin la série de malheurs la plus dramatique.

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