Un roman sportif maintenant complet de 42 pages en 18 chapitres, écrit en 3 parties, entre le 18/06 et le 01/11/1995.

vendredi 11 juillet 2008

Chapitre 6: Orage sur Jerez

Toutes les écuries, même Simtek Lola, se retrouvent le jeudi 13 mai en Espagne, la deuxième étape européenne. En deux semaines, il ne s'est pas passé grand-chose, on a pourtant appris que March n'engagerait qu'une seule voiture pilotée par le français Jean-Marc Gounon. Le temps est incertain. Il semblerait qu'il tourne à l'orage, mais pour l'instant le soleil tape et la chaleur est suffoquante. A onze heure a lieu la séance préqualificative officielle. Les équipes conviées sont : Pacific Lotus, Simtek Lola, March, Minardi et Arrows Footwork. En effet, les organisateurs ont, au vu des résultats, modifier le groupe de préqualification. Neuf voitures se disputeront les cinq places pour la session de qualification. La surprise du jeudi vient du public brillant par son absence, mais on espérait inverser la tendance pour le week-end.
Lors de l'ingrate épreuve des préqualifications, Verstappen, Alboretto (Simtek), Badoer (Minardi) et Capelli (Arrows) prennent les quatre dernières places. Gounon est menacé mais se bat en jeune diable. Du côté de chez Williams, l'ambiance est morne. Il est vrai qu'on espérait un meilleur départ cette saison. Hormis la victoire de Brundle au Brésil, les résultats sont très décevants pour une équipe qui jouaient le championnat du Monde neuf mois plus tôt. Franck Williams aurait même déclaré qu'en cas de mauvaises performances à Jerez, le jeune Boullion pourrait se voir attribuer un siège en F1. Alors, info ou intox ? Toujours est-il que le manager de l'équipe est connu pour sa froideur relative avec les pilotes. Chez McLaren, on sent également un vent de changement. Le transfert de Schumacher à l'intersaison n'ayant pu s'effectuer, Ron Dennis a dû garder ses pilotes de l'an dernier, mais les résultats sont "assez faibles" selon ses propres mots.

Le jeudi après-midi, on apprend que De Cesaris retrouvera son volant à Monaco. Concernant Morbidelli, on est plus confiant que pour Inoue, toujours au Japon en rééducation. Le soir, une grande fête inclut tous les membres du team Ferrari, pour l'anniversaire de John Barnard qui, à cette occasion, annonce que le nouveau V10 Ferrari sera prêt pour le Grand Prix d'Allemagne à Hockenheim. On pourra y tester sa puissance, le circuit allemand étant réputé et est effectivement très rapide. Mais revenons à Jerez, où, un Grand Prix assez spécial va tenir les supporters espagnols en haleine.
Le lendemain, les essais libres indiquent une forte poussée des McLaren (3e et 6e), mais surtout une domination des Toyota (1er et 4e). Mais à onze heure, les voitures les moins en vue du Championnat entrent en piste pour se préqualifier. D'entrée, Alboretto pulvérise son temps de la veille. Mais les gouttes de pluie commencent à tomber et seul Gounon pourra encore améliorer. La victime de la pluie est David Brabham (Arrows) qui quitte le circuit dès 13h. C'est d'ailleurs à cette heure que débute la première séance de qualification. L'orage vient juste de s'arrêter, la piste est trempée. Les quelques commissaires balaient l'eau ruisselante, mais le circuit ne sèche pas dans une atmosphère lourde et sans vent. Certains pilotes ne sortent même pas de toute la séance tant la piste semble dangereuse. Au classement, Schumacher devance Alesi, Hakkinen, Irvine et Berger. Les Toyota sont très loin (9e et 12e) et certains pensent avoir trouvé une faiblesse dans la mécanique nippone.

Toute la nuit, deux orages se succèdent et le sud de l'Espagne est soumis à de fortes turbulences venteuses suivies par un calme plat et puis on recommence. Samedi matin, il fait un peu plus frais, mais les spécialistes de la météo restent pessimistes pour la course du lendemain. Les essais libres sont dominés par les Toyota, Hill et Schumacher, sans oublier Hakkinen. Les Ferrari, d'habitude performantes en essais libres ne pointent qu'en septième et huitième places. Le temps, préoccupation commune de tous, semble rester stable en ce début de deuxième séance qualificative chronométrée. Quelle occasion pour les écuries moins en vue, ainsi Gounon va assurer sa place sur la grille. Rapidement Hill, Brundle, Coulthard et Noda vont se jeter sur la piste. Et au bout de 20 minutes, la pluie est de retour. De nombreux pilotes n'ont pu améliorer leur temps, leur voiture n'étant pas prête, ou ayant de suite remarqué de quelconques problèmes. Deux principales personnalités vont en faire les frais : Alesi et Nakajima. Le premier ne faisant que le 24e temps et le second réussissant tout juste à se qualifier à la 26e place.
Les quatre éliminés se nomment assez insolitement à la fin de cette séance trempée : Martini (Minardi), Gachot (Pacific), Lagorce (Venturi) et Salo (Tyrrell). C'est ainsi une grille de départ des plus surprenantes depuis quelques années à laquelle ont droit les spectateurs de la presqu'île hibérique. Poleman, Hill rassure son manager général. Il devance Hakkinen (McLaren), Noda (Toyota), Coulthard (Ligier), Frentzen (Sauber), Brundle (Williams), Schumacher (Benetton), Barrichello (Jordan)... Le ciel joue de drôle de tours à ces héros. D'un autre côté, peut-être que cette configuration assure un certain équilibre en tête de grille. Chez Ligier, on pavoise déjà sur la prestation du pilote britannique Coulthard, lui aussi un peu effacé depuis le début de saison, car un départ en deuxième ligne pour une voiture bleue ne s'est pas vu depuis le GP de France 93.

La soirée précédant le quatrième G.P. de F1 est classiquement consacrée aux dernières imperfections décelées par les maîtres pilotes que sont les idoles des supporters qui viendront les encourager demain. Ferrari est toujours l'écurie avec le plus de fans. La Scuderia forte de cette impressionante notoriété cherche pour cette raison à reconquérir un titre, et cette année on croît fort au Championnat du Monde des Constructeurs. Seulement, l'imprévu est présent, Schumacher domine toujours autant, les Toyota sont très impressionantes et McLaren, Sauber et autres Jordan viennent prendre une grande part des points. C'est aussi pourquoi, nous assistons à un des championnat les plus passionnants depuis la création du Championnat du Monde de Formule 1 en 1950.

Dimanche, le 16 mai à Jerez. Ce matin, le soleil est voilé par quelques gros nuages. La température est à peine supérieure à 20 degrés, et la foule est présente sur le circuit. A l'issue de l'échauffement ("Warm-up"), les voitures les plus sûres semblent être les Toyota et les Benetton. Mais les Williams et les McLaren ne devront pas être sous-estimées. Hill paraît effectivement avoir retrouvé de sa superbe, d'autant plus qu'il s'élancera de la pole position. Et le grand moment arrive. Après le tour de formation, les bolides en rage sont sur la grille. Le départ est donné.
Hill, Noda, Hakkinen et Coulthard forment le quatuor de tête au bout de la ligne droite des stands. Ils sont suivis de Schumacher, Barrichello, Frentzen et Brundle. La Toyota de Nakajima passe la ligne pour la première fois en 15e position, le japonais a déjà repris onze places. Alesi, quant à lui, n'est que 21e. Très rapidement, McLaren enregistre l'abandon de Blundell pour un défaut d'embrayage. Barrichello et Katayama sont contraints de passer par les box plus rapidement que prévu. Devant, les quatre premières voitures sont assez vite rattrapées par Schumacher. Soudain, suite à une rupture de suspension, Alesi sort de la trajectoire et de l'asphalte en même temps. Il stoppe sa voiture, pendant que Lehto qui n'a pu l'éviter correctement tape le rail de sécurité, heureusement il quitte son baquet sans blessure. Juste avant les premiers changements de pneumatiques, le classement des dix premières voitures est le suivant : 1.Hill, 2.Noda, 3.Coulthard, 4. Hakkinen, 5.Schumacher, 6.Brundle, 7.Frentzen, 8.Panis, 9.Berger, 10.Dalmas...

A la mi-course, Nakajima est en 12e position, alors que toute une série d'abandon sur divers problèmes mécaniques a entraîné un allégement de la circulation sur Jerez ! Frentzen, Comas, Zanardi, Gounon et surtout Schumacher ne sont plus en course pour une victoire du Grand Prix d'Espagne. Mais, presque passé inaperçu, le ciel s'assombrit lentement et le grondement du tonnerre se fait à nouveau entendre. C'est à 25 tours de la fin que les premières gouttes ravivent la perte de tenue de route. Berger en fait les frais. En même temps, les dépassements se font plus délicats, et Hill résistant à Noda, s'accroche à Hélary et, en rentrant aux stands, il perd son leadership de la course. Dans le team Williams, la colère gronde et Patrick Head déclare sa colère à Gérard Larrousse. La pression, toujours la pression !
Toutes les écuries rappellent donc leurs pilotes aux stands pour le changement de pneumatiques et l'adaptation aux nouvelles conditions. Il pleut à verses. Nakajima, victime d'un trop plein d'ambition, va sortir de piste et s'enfourcher dans un mur de protection, il souffrira d'une entorse au poignet et de nombreux bleus. En tête de course, on trouve Noda, 2 secondes devant Coulthard, puis Hill, Hakkinen et Brundle. Herbert, souffrant de problèmes de boîte de vitesse ferme la marche à déjà 4 tours de la Toyota n°36. Un peu plus tard, il abandonne, sa voiture le poussant à bout. Seuls trois pilotes se montrent à l'aise sous cette pluie battante et dans ce festival de feux d'artifice : Noda, Coulthard et Irvine. A 10 tours de la fin, Noda a 5 secondes sur Coulthard, qui en a sept sur Hill. Derrière ce podium fictif, Irvine procède à une remontée fantastique dans une bataille avec Noda, qui tente de lui prendre un tour. Mais, à la surprise générale, Irvine va lâcher petit à petit la Toyota et revenir sur Hakkinen. Ce dernier maintient son rival jusqu'au bout de la course qui est raccourcie de trois tours pour terminer dans les temps. Seulement, Helary et Barrichello ne pourront terminer, victimes de casse moteur. Il est vrai que la pluie a nettement ralenti la cadence. C'est ainsi dans un déluge d'éclairs, d'eau, de cris de foule et de moteurs et sous un ciel noir de nuage, que vers 16h, le pilote de la Toyota n°36 remporte son premier Grand Prix :
1. H.Noda Jap Toyota 10 pts
2.
D.Coulthard Gbr Ligier Mugen Honda à 4" 6 pts
3.
D.Hill Gbr Williams Renault à 9" 4 pts
4.
M.Hakkinen Fin McLaren Mercedes à 1'00" 3 pts
5.
E.Irvine Irl Jordan Peugeot à 1'01" 2 pts
6. M.Brundle Gbr Williams Renault à 1 tour 1 pt

Il faut remarquer les bonnes performances des deux français Panis et Dalmas, aux abords des points, mais aussi la 9e place surprise de Moreno (Forti) a à peine trois tours de Noda. Il est suivi d'Alboretto, Katayama et Warwick, à 6 tours. Chez Simtek, on est heureux de finir le premier G.P. de la saison. Au classement général :
1. H.Noda Jap Toyota 20 pts 1v.
2. G.Berger Aut Ferrari 14 pts 1v.
3. M.Brundle Gbr Williams Renault 11 pts 1v.
4. S.Nakajima Jap Toyota 10 pts 1v.
5. M.Schumacher All Benetton Renault 9 pts
6. D.Hill Gbr Williams Renault 8 pts
7. J.Alesi Fra Ferrari 7 pts
Etc.

Et ce n'est pas fini pour Toyota qui passe Ferrari :
1. Toyota Formula One 30 pts 2v.
2. Ferrari Spa 21 pts 1v.
3. Williams Renault Elf 19 pts 1v.
4. Benetton Renault Elf 9 pts
5. Jordan Peugeot 8 pts
et McLaren Mercedes Benz 8 pts
Etc.

Fabio Briatore perd son calme habituel en ce soir orageux du 16 mai. Il ne comprend pas que personne ne puisse lutter contre les voitures japonaises de plus en plus fiables en fin de course. Il a surtout l'impression que Schumacher est lâché au classement et que sa malchance ne peut pas durer. Alors le Champion du Monde va-t-il se reprendre ou laisser son titre, impuissant devant la suprématie nippone ?

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