Un roman sportif maintenant complet de 42 pages en 18 chapitres, écrit en 3 parties, entre le 18/06 et le 01/11/1995.

jeudi 3 juillet 2008

Chapitre 2: Les surprises de Rio

Jeudi, le 25 mars de cette nouvelle saison, tout le monde se retrouvait pour une nouvelle aventure. Les grandes écuries avec leurs caravanes officielles aux couleurs des multinationales du sport mécanique envahissaient le circuit d'Interlagos, où le soleil régnait encore en grand maître. Dans le souvenir de tous, malgré déjà plus d'un an, le héros national qu'avait été Ayrton Senna restait encore un sujet primordial des conversations de supporters. Le pauvre Rubens Barrichello, dans lequel on avait vu le successeur du mythique "Roi de Rio", n'avait pu confirmer la saison précédente. Mais cette fois, les bons résultats d'avant-saison devait présager d'une véritable amélioration. Le moteur Renault F1 paraissait quelque peu s'essouffler. Outre tous ces détails techniques, les vedettes restaient les pilotes et notamment les grands Schumacher, Hill, Berger, Irvine, Barrichello, Herbert ou Alesi. Le week-end serait long, pour les spectateurs, les officiels, les techniciens, les pilotes, les moteurs, et bien sûr les jolies filles qui complètent ce magnifique décor.

Vendredi matin, 9h. Les techniciens travaillent depuis quelques heures déjà sur les voitures, les pilotes parlent aux ingénieurs, les responsables observent leurs rivaux du coin de l'oeil. Les journalistes demeurent passionnés par la fabuleuse Toyota dont le design est révolutionnaire. Ceci inquiétant beaucoup Jean Todt, Franck Williams ou Ken Tyrrell, les pilotes de l'écurie 100% japonaise n'étaient en principe pas reconnus comme très redoutables pour leurs performances, bien que le japonais Noda n'eût pas encore dévoilé tous ses talents. Pourtant, le manager de Benetton, Flavio Briatore, émit une réserve officielle plus tôt dans la matinée sur l'aérodynamisme de la Toyota.
A 10h30, la nervosité de tous devient très perceptible. Les ingénieurs de Goodyear ont livré leurs jeux de pneumatiques aux 34 voitures. La séance de préqualification, qui n'avait plus eut lieu depuis quelques années, débutait dans une demi-heure. Toutes les trois nouvelles écuries y été directement inscrites en plus de Simtek-Lola, Pacific-Lotus, Larrousse et Forti-Corse. A l'issue de cette séance de 1h30, 5 voitures étaient écartées. Il resterait 29 voitures à se partager les 26 places sur la grille de départ et ce dès 16h pour la première séance. Ce règlement n'était valable pour l'instant que pour ce Grand Prix, on évoluerait suivant les résultats et les caractéristiques sur place.

Onze heures. Les managers de chaque équipe sont rivés sur leurs petits écrans à suivre l'évolution des préqualifications. La première voiture à se lancer est la March Mazda V8 d'Andrea de Cesaris. La voiture bleue claire du pilote italien tourne pendant deux tours toute seule avant de rentrer aux stands. Dès lors, les Venturi de Dalmas et Lagorce s'élancent. Le temps de la March est relégué à 2 secondes. Les deux Forti, suivies des deux March, les rejoignent. 11h35, les Toyota se préparent. Les Simtek retrouvent la piste quand De Cesaris retourne aux stands après une sortie de route. Puis, les Pacific s'ajoutent à tout le monde. La seule écurie qui n'a pas encore tourné reste Toyota. 11h50, à 40 minutes de la clôture de la séance, Satoru Nakajima et la Toyota rouge et blanche numéro 35 entrent en piste. C'est toujours F. Lagorce qui domine les débats grâce au moteur Peugeot, vraiment très prometteur. Dès son tour lancé, le pilote japonais réalise 1'15"998 laissant la Venturi à près d'une seconde et demie. Le deuxième est moins bon, peut-être à cause de B.Gachot auteur d'un tête à queue alors que Nakajima l'avait en point de mire. Noda fait même un peu mieux quelques minutes après en 1'15"902. Moreno (Forti) et Inoue (March) rencontraient trop de difficultés et ne parvenaient pas à se qualifier. Après une fantastique bataille qui dura près de vingt minutes entre la March de De Cesaris, les deux Simtek et les deux Pacific, c'est B.Gachot (Pacific), A.Zanardi (Forti) et J.Verstappen (Simtek) qui furent les trois victimes suivantes. Forti Corse peut donc, avant les qualifications, faire ses valises et préparer le prochain rendez-vous en Argentine.

Les Toyota ont donc devancé les deux Venturi, Comas, De Cesaris, Hélary, Warwick et Alboretto pour trois millièmes. Cette séance fut splendide et laissait présager à de superbes batailles pour la qualification. Cependant trois de ces pilotes ne courront pas dimanche. 16h00, la chaleur sur le circuit d'Interlagos commence à devenir soutenable, le soleil demeure de plomb. Aux essais libres de 14h, les Benetton, les McLaren et les Ferrari se sont distinguées. Les Williams n'ont réalisé que le 7e et le 10e temps. Les Ligier rivalisaient avec les Jordan et les Sauber. Mais maintenant, pas de bluff. On roulait pour se qualifier et trois pilotes seront écartés. Les Minardi de Martini et Badoer ouvrent le bal officiel de la saison. Elles sont suivies des Arrows-Footwork, des Tyrrell, des Ligier et de la Jordan d'Irvine. Ce dernier pointe en tête au bout du premier quart d'heure, quand seulement 12 voitures sont sorties. C'est alors Martin Brundle, nouveau chez Williams, qui entre en piste, il bénéficie d'un tour clair et amène le chrono à 1'16"420. Par la suite, il ne sera battu que par Herbert, Schumacher, Berger et Nakajima. Franck Williams et Patrick Head étaient plus ou moins soulagés : Hill faisait le 7e temps. Les trois non qualifiés du moment sont Katayama (Tyrrell), Alboretto (Simtek), et Lehto (Sauber) qui n'a pu accomplir un tour lancé.
C'est ainsi le Champion du Monde en titre M.Schumacher qui prenait la première place avec 1'15"909, mais il restait une séance. Le moteur Peugeot n'avait pas réellement percé, mais on attendait également la deuxième chance de chacun. Le soir, les supporters brésiliens rentrent déçus, Barrichello n'est que 13e. Toute la nuit, les mécaniciens travaillent surtout dans une certaine écurie nippone...

Samedi matin 11h. Aux essais libres, c'est Jean Alesi qui a devancé Noda et Nakajima nettement plus en forme qu' à la deuxième séance de la veille. Maintenant, la pression est sur les épaules des pilotes des écuries que l'on peut qualifier de "traditionnelles". Alesi ouvre le dernier bal. Le soleil règne toujours. Dans la bataille pour la qualification, seul Lehto pourra s'en tirer aux dépens de Martini (Minardi) peu inspiré. Simtek pouvait donc se retirer et rejoindre Forti. Rapidement, Noda s'empare de la pole. Derrière, les Ferrari améliorent sans cesse, sans pouvoir battre le jeune japonais. Les Jordan se placent bien et enfin Herbert devance Schumacher. Après une séance très animée, le classement sur la grille est le suivant : 1.Herbert, 2.Noda, 3.Schumacher, 4.Berger, 5.Frentzen, 6.Irvine, 7.Barrichello, 8.Alesi... Pas de signe des Williams, qui pointent entre les deux McLaren aux 11e et 12e places. Que de changements depuis la saison passée. Nakajima est 9e. Coulthard ne réalise que le 19e temps, Comas le 23e, et la dernière place revient à De Cesaris, toujours victime de nombreux problèmes. C'est donc finalement le pilote britannique de chez Benetton qui détrône la Toyota n°36 en battant le record du circuit (nouveau tracé : 1'15"745).
Patrick Head et Gérard Ducarouge restent perplexes quant aux prestations très moyennes des Williams dotées du moteur Renault RS 08-96, le même que celui d'Herbert et Schumacher. Toute la nuit les mécaniciens et les ingénieurs travaillent d'arrache-pied pour que, le lendemain, leurs pilotes puissent à leur tour assouvir leurs passions dans les meilleures conditions. Ce travail est d'autant plus dur, que les moyens de quelques équipes sont restreints.
Dimanche matin, au "warm-up", la chaleur est exceptionnelle pour un mois de mars à Rio. Pas un nuage dans le ciel, mais les gradins sont déjà pleins de supporters brésiliens et autres. Il est difficile de comparer les résultats, beaucoup de voitures effectuent des tests en conditions de Grand Prix, d'autres s'entraînent aux départs etc. C'est néanmoins Berger l'autrichien, qui termine cette séance en tête, devant Herbert et Nakajima. A noter que Noda, Alesi et Hill sont sortis de la route pour conduite un peu trop fougueuse. Pacific, March, Minardi et Tyrrell peuvent se concentrer sur l'unique voiture qui leur reste et ainsi tenter de la placer lors de l'arriver. Les autres écuries ont toutes trois voitures, 2 pour les pilotes et un mulet commun, Simtek et Forti étant entièrement éliminées et Arrows ne disposant pas de mulet pour l'instant. La tension monte au courant de la journée pour atteindre son paroxysme à 14h au moment du départ. Les managers sont nerveux, les pilotes aussi.

Sous un soleil de plomb, devant des milliers de spectateurs fanatiques, les écuries se placent sur la grille de départ. Il est 13h15. L' écurie Toyota, monopolisée par les journalistes spécialisés, a pour ambition le championnat du Monde. On n'annonce pas ouvertement que les nippons cherchent le titre dès la première année, mais c'est l'impression que le team laisse aux journalistes. Auteurs de temps époustouflants pour une nouvelle voiture, Nakajima et Noda sont des pilotes très ambitieux. Mais peuvent-ils réellement inquiéter Schumacher, Berger ou Hill ?
Vers 13h55, les F1 sont lancées dans leur tour de formation. Comme de coutume, on teste la direction, les freins, les pneus. Le plein d'essence est fait dans chaque voiture, puique les ravitaillements ont été supprimés l'an passé. 35°C au soleil. Sur la 1ère ligne, Herbert et Noda suivis de Schumacher et Berger. Toutes les 26 voitures sont placées. Le commissaire agite son drapeau de derrière la 13e ligne, on allume les feux rouges. Les moteurs rugissent. Les quelques secondes sont insoutenables. Vert ! Un bruit infernale, audible à plus de 15 km à la ronde, s'échappe d'Interlagos, un fantastique saison débute.

Au freinage, Noda prend la tête devant Schumacher. L'autre Toyota est déjà 5e ! Un accrochage entre Alesi et Hill, les contraints à rouler au ralenti, vont-ils déjà abandonner ? Devant c'est la course poursuite de Schumacher derrière Noda. Dès le premier tour, six voitures rentrent aux stands, outre Hill et Alesi, De Cesaris, Coulthard, Brabham et Blundell ont tous des difficultés diverses. Au bout de trois tours, le classement en tête est le suivant : 1.Noda, 2.Schumacher, 3.Herbert, 4.Nakajima, 5.Barrichello... Les Toyota et Schumacher sont les trois voitures les plus rapides sur le circuit. La consternation prend les dirigeants des autres équipes à la gorge. Briatore pose une nouvelle réclamation, considérant que le départ de Noda avait été volé. Il est vrai que les voitures rouges et blanches aux couleurs du Japon, ont fait un départ fulgurant. Alesi est rapidement contraint à l'abandon, ainsi que Hill, De Cesaris et Warwick sur la dernière Pacific. La chaleur est insupportable pour les hommes courageux que sont les pilotes, mais lorqu'aux difficultés physiques s'ajoutent les problèmes techniques de la voiture et donc moraux pour le pilote, on comprend la lassitude que ces champions peuvent endurer.
Petit à petit, les temps des Toyota perdent de leur extraordinaire et, au 15e tour, Schumacher trouve la faille et passe en tête du Grand Prix du Brésil. Derrière, pour la grande joie de tous, Barrichello a passé Nakajima, menacé par Frentzen et Hakkinen. Brundle talonne tout ce monde. Les premiers changements de pneumatiques bénéficient aux Jordan ou aux Williams, mais pas au Toyota. Nakajima reste très longtemps dans son box. Il abandonne. Un soulagement général s'empare des responsables des autres équipes. Les Toyota ne sont pas près de remporter un Grand Prix ! Cependant la réclamation du responsable de Benetton ne donne rien, les départs étaient valables. Après les abandons de Salo et Morbidelli sur accrochage, c'est Noda qui crève en raison de quelques débris, alors qu'il pointait en troisième position. Il ne peut rejoindre son stand. Après que la majorité des voitures a procédé à deux changements, le classement est le suivant : 1.Schumacher, 2.Berger, 3.Brundle, 4.Barrichello, 5.Hakkinen... Le malheureux Herbert pointe à la 11e place, car lui aussi a crevé. Brundle bat le record du tour, Franck Williams et Patrick Head sourient. Mais Schumacher semble inarrêtable. Les supporters s'enflamment pour Barrichello, qui se bat pour ne pas perdre le pilote de chez Williams de son collimateur.

La fin de course approche. Les deux Venturi abandonnent, soumises depuis le début à des problèmes de boîtes de vitesse. Brabham et Irvine rentrent aux stands sans repartir. La chaleur est-elle la cause de ces abandons ? Schumacher, lui, ralentit sa cadence, il compte 35" d'avance sur Berger. A 5 tours de la fin, l'allemand ralentit encore, il tourne en 1'21"5, deux secondes et demie de moins que Berger et Brundle. Chez Benetton, on s'agite. Alors que Brundle passe Berger, Panis et Coulthard, les deux Ligier-Mugen, sont 7e et 8e. Puis le champion du Monde rentre aux stands et abandonne, expliquant plus tard aux journalistes que sa boîte de vitesse délirait totalement. Il est vrai que l'électronique souffre aussi sous une telle chaleur. Le dernier à ne pas finir sera Blundell, auteur d'une sortie de route. Devant, Brundle mène la danse, alors que Barrichello talonne Berger. La Ferrari a du mal, surtout en ré-accélération.
Soudain, dans les tribunes et les gradins, les drapeaux brésiliens s'agitent, dont certains contiennent encore des messages d'encouragement à Senna ("Viva Ayrton", "Super Senninha", son casque...); Barrichello dépasse Berger, en dérapage dans l'avant dernier tour. Quel bonheur pour tous ces fans, mais aussi pour le jeune pilote !
A l'arrivée, Brundle remporte son premier Grand Prix à 37 ans et une carrière de 12 ans en F1. Barrichello fait la joie des supporters locaux et Berger complète péniblement le podium :

1. M.Brundle Gbr Williams Renault 10 pts
2.
R.Barrichello Bré Jordan Peugeot à 14" 6 pts
3. G.Berger Aut Ferrari à 17" 4 pts
4. M.Hakkinen Fin McLaren Mercedes à 19" 3 pts
5.
H.H.Frentzen All Sauber Ford Zetec à 1'02" 2 pts
6. O.Panis Fra Ligier Mugen à 1 tour 1 pt

L'hymne britannique ne s'entend presque pas sur le podium, sur lequel Barrichello est ovationné comme jamais il ne l'a été. On ne retrouve aucun des pilotes Benetton et Toyota, les deux marques qui avaient dominé les journées de vendredi et de samedi. Mais ni l'une, ni l'autre ne comptait en rester là et les performances des japonaises en ont tout de même inquiété plus d'un...

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